Le crowdfunding est-il en train de perdre son âme ?

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L’attrait des Français pour la pierre ne se dément pas. Le nombre de transactions dans l’ancien pourrait atteindre un nouveau record cette année. 

 

Cet intérêt touche aussi l’investissement, notamment par le biais du crowdfunding, qui a atteint en 2021 près de 1 milliard d’euros de collecte. Avec des rendements pouvant atteindre 12 % et une durée de placement courte, 24 mois en moyenne, le crowdfunding immobilier séduit de plus en plus d’investisseurs professionnels ou patrimoniaux ; au risque d’évincer les particuliers. Etymologiquement, crowdfunding signifie « financement par la foule » ou « financement participatif », ne risque-t-il pas, alors, de perdre son âme ?

 

Une nouvelle clientèle

 

Initialement élitiste et réservé à des initiés, le crowdfunding immobilier s’est démocratisé il y a quelques années avec l’abaissement du ticket d’entrée.

 

Aujourd’hui, certains institutionnels ou mutuelles de petite taille, des entreprises en quête de placements trésorerie ou encore des family offices à la recherche de diversification et de rentabilité choisissent le financement participatif. 

 

Dans le même temps, l’intermédiation au travers des conseils en gestion de patrimoine s’est développée. La montée en puissance de ces acteurs ouvre de nouvelles perspectives aux plateformes, dont l’objectif est d’accroître le volume de projets à financer tout en augmentant le nombre d’investisseurs.

 

Portés par l’arrivée d’une nouvelle clientèle disposant d’un pouvoir d’épargne plus élevé que le grand public, les projets sont bouclés rapidement…au détriment des « petits » investisseurs particuliers. Certaines plateformes ont même mis en place des fonds d’investisseurs institutionnels, qui financent les opérations en quelques secondes, sans plus aucune place laissée aux particuliers. Frustrés, évincés des plateformes d’investissement, ils risquent de les délaisser. « Sur certaines opérations, ils n’ont plus le droit de cité : des financements de plusieurs millions d’euros sont bouclés en quelques minutes. Mais peut-on encore parler de crowdfunding dans ces conditions ? Comment maintenir l’ADN du financement participatif, accessible au plus grand nombre ? », s’interroge Arnaud 

Romanet-Perroux, Fondateur de Upstone.

 

A la recherche d’un équilibre

 

Le marché du crowdfunding se trouve, aujourd’hui, à la croisée des chemins. Certaines plateformes pourraient évoluer vers un modèle hybride mêlant clientèle patrimoniale et grand public, et d’autres vers un modèle excluant les petits investisseurs, en faveur des institutionnels, à l’instar de l’Asset management. On remarque que quelques plateformes essaient déjà d’attirer à elles les investisseurs institutionnels et les CGP en proposant des placements moins « crowd » et plus personnalisés.

« La réglementation de notre secteur, qui suit une logique de financiarisation et de professionnalisation, s’accroîtra encore avec l’entrée en vigueur de l’accord européen sur le crowdfunding et renforcer la protection des investisseurs. Il va falloir repenser notre marché pour que chacun puisse investir à hauteur de ses moyens », analyse Arnaud Romanet-Perroux. « Parmi les pistes pouvant être étudiées, on pourrait scinder le financement d’une opération en deux : une partie réservée aux institutionnels et une autre aux particuliers », propose-t-il. La solution pourrait également venir de la création de fonds : « Les plateformes, en réservant uniquement une part de certaines opérations à des fonds regroupant les contributions des investisseurs institutionnels, permettraient aux particuliers de garder l'accès aux différents projets ou de choisir une offre diversifiée sans avoir à analyser chaque projet », conclut-il.

 

L’avenir peut aussi se dessiner avec une spécialisation des plateformes, certaines dédiées aux particuliers, d’autres aux institutionnels. Il appartiendra alors aux promoteurs de choisir le mode de financement qui leur apporte le plus d’avantages.